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Squelettes minéralisés
Les fossiles nous renseignent sur la vie au début de l’explosion cambrienne – principalement grâce à l’apparition de squelettes minéralisés et d’ichnofossiles complexes. Les éléments squelettiques de la période, généralement de petite taille, proviennent de ce qu’on appelle la « faune à petites coquilles » et rassemblent toutes sortes de sclérites, spicules, tubes et coquilles, qui devaient appartenir à plusieurs types d’animaux différents. Malheureusement, beaucoup de ces fossiles restent mal compris et sont difficiles à classer dans les groupes taxonomiques connus.
Les trilobites ont, d’après les gisements fossilifères, fait leur première apparition au Cambrien, il y a environ 521 millions d’années. L’anatomie dorsale de ces animaux cuirassés se subdivisait en trois parties : le céphalon (tête), le thorax (corps) composé de segments et le pygidium (queue). Les trilobites sont devenus l’un des groupes d’organismes invertébrés les plus répandus dans les mers du Paléozoïque. Ils ont survécu pendant près de 300 millions d’années et certains de leurs fossiles sont présents du Cambrien au Permien.
Ichnofossiles et révolution du substratum cambrien
Les ichnofossiles deviennent de plus en plus complexes et se diversifient aussi considérablement dans les roches du Cambrien inférieur. À la fin de l’Édiacarien, les métazoaires ne produisaient que des traces horizontales simples sur le fond marin. À partir du Cambrien, les animaux commencent à creuser verticalement dans les sédiments et à faire preuve de comportements plus variés, ce qui prouve indirectement qu’il existait déjà des organismes bilatériens mobiles dotés de tissus et d’organes différenciés.
L’apparition de ces bilatériens a transformé de façon permanente la nature des fonds marins, événement qu’on appelle souvent la « révolution du substratum cambrien ».
Au cours du Précambrien, les couches supérieures de boue, de sable ou de vase des fonds marins sont restées relativement fermes, grâce aux tapis bactériens qui en recouvraient et en stabilisaient la surface. Ces tapis constituaient aussi une importante source de nourriture pour les organismes édiacariens à même de brouter sur le fond marin (voir Kimberella). Les animaux fouisseurs du Cambrien, capables de creuser au travers des tapis microbiens, ont opéré un brassage du sédiment se trouvant dessous et lui ont donné une consistance moins ferme. Ils se sont sans doute mis à creuser dans le substratum pour trouver de nouvelles sources de nourriture (comme les carcasses d’organismes planctoniques qui s’y étaient déposées) ou pour échapper à leurs prédateurs.
Le fouissage a créé de nouvelles niches écologiques sous le fond marin, l’eau et l’oxygène pouvant désormais pénétrer dans les couches sédimentaires. Simultanément, les tapis bactériens ont été progressivement détruits et repoussés dans des habitats inhospitaliers pour les animaux. C’est en partie à cette modification du substratum qu’on attribue la fin du biote d’Édiacara. D’autres facteurs (comme un changement dans la chimie de l’eau ou la multiplication des prédateurs) peuvent également avoir joué un rôle important dans leur extinction (voir plus haut).
La révolution du substratum cambrien a transformé les fonds marins, autrefois uniformes, en une mosaïque hétérogène, offrant aux animaux – y compris ceux des schistes de Burgess – toutes sortes de nouvelles niches écologiques à exploiter.
Gisements de type Burgess et biote de Burgess
Voilà plus de cent ans qu’ont été décrits pour la première fois des fossiles cambriens d’animaux à corps mou exceptionnellement bien conservés en provenance des schistes de Burgess. Depuis, des douzaines de gisements de type Burgess, comportant des assemblages de fossiles comparables, ont été découverts dans le monde. Ces gisements se trouvent généralement dans des couches rocheuses du Cambrien inférieur et moyen, mais peuvent aller jusqu’au début de l’Ordovicien. Ils se caractérisent par un mode de conservation analogue à celui des schistes de Burgess, qu’on appelle « conservation de type Burgess ».
Les sites les plus remarquables sont ceux qui se situent aux alentours du premier site des schistes de Burgess (la carrière Walcott, dans le parc national Yoho, en Colombie-Britannique), ainsi que les schistes de Maotianshan, en Chine (dont le plus célèbre est celui de Chengjiang, dans la province de Yunnan).
Citons également le gisement de Kaili en Chine, et des sites se trouvant dans l’ouest des États-Unis (schistes de Spence et formations Marjum et Wheeler, dans l’Utah, formation Pioche, dans le Nevada), au Groenland (Sirius Passet), et Australie (schistes d’Emu Bay).
Images of landscapes and fossils from different Burgess Shale-type deposits in Utah.
© Pomona College. Photos: Robert Gaines (landscapes) and Royal Ontario Museum. Photos: Jean-Bernard Caron (fossil specimens).
Fossils from the Lower Cambrian Sirius Passet locality in Greenland
© JOHN PEEL
Fossils from the Lower Cambrian Chengjiang locality in China.
© NANJING INSTITUTE OF GEOLOGY AND PALAEONTOLOGY CHINESE ACADEMY OF SCIENCE. PHOTOS: MAOYAN ZHU
Comparativement aux gisements fossilifères habituels, dans lesquels ne sont généralement conservées que les parties durables des organismes, les gisements de type Burgess dressent un tableau bien plus complet de la composition d’une communauté marine normale du Cambrien. Dans un milieu marin moderne, les animaux dont le corps possède des éléments minéralisés (coquilles, carapaces, etc.) ne constituent qu’une faible proportion de l’ensemble des espèces. C’est également le cas des gisements fossilifères de type Burgess, où l’assemblage des fossiles à coquille ne représente généralement qu’un pourcentage minime des spécimens récoltés. Par conséquent, si nous ne disposions pas des restes fossilisés d’organismes à corps mou, particulièrement ceux qui proviennent des schistes de Burgess, nous n’aurions qu’une connaissance extrêmement limitée des écosystèmes du Cambrien.
Les ressemblances entre les divers gisements de type Burgess dans le monde donnent à penser que l’écosystème benthique était géographiquement uniforme et n’a évolué que lentement du Cambrien inférieur au Cambrien moyen (puisqu’on trouve des fossiles de types d’animaux semblables au cours de cet intervalle d’au moins 15 millions d’années). On désigne souvent cet assemblage caractéristique d’organismes sous le nom de « biote de type Burgess ». The characteristic assemblage of organisms is often referred as the Burgess Shale-type biota.
RÉSUMÉ : En 1990, le célèbre paléontologue Stephen Jay Gould est venu parler des fossiles des schistes de Burgess au Musée Royal de l’Ontario. Si de nombreuses interprétations qu’il donnait alors ont été remises en question, sa conférence résumait bien l’idée qu’on se faisait à l’époque de ces fossiles. (6:32) (6:20)
Voici Marrella. Je dirais que le classement des arthropodes est basé principalement sur le nombre de segments et les motifs des différentes parties du corps.
« Nous avons donc Marrella, un arthropode qui n’entre dans aucun groupe. Il possède deux paires d’épines. Il n’est apparenté à aucune lignée. »
« Whittington était perplexe lorsqu’il a publié son premier article sur Marrella, en 1971, mais il a persévéré. Il s’est ensuite intéressé à Yohoia, »
« une créature semblable à une crevette et décrite comme telle par Walcott. Après une étude minutieuse, Whittington a constaté que Yohoia n’appartenait à aucun groupe moderne. À première vue, il ressemble à une crevette, mais il suffit de compter les segments pour savoir qu’il ne s’agit pas du plan d’organisation d’un crustacé. »
« Par exemple, la tête possède une paire d’appendices unique en son genre chez les arthropodes. Faute de mieux, Whittington finira par les appeler les « grands appendices ». »
« Voici Odaraia, une créature qui nage sur le dos et dont la nageoire caudale ressemble plus à celle d’une baleine que d’un arthropode. Lui aussi est unique en son genre. »
« Il ressemble vaguement à un crustacé nageur, mais s’en distingue nettement par les segments et les motifs de la queue. »
« Ici, nous avons Sidneyiaque Walcott a décrit comme un chélicérate, c’est à dire un membre du groupe des limules, celui des araignées et des scorpions. La ressemblance est superficielle. »
« Chez les chélicérates, la tête porte six paires d’appendices, mais il n’y en a qu’une chez Sidneyia, ces antennes. Bref, Sidneyia est unique en son genre. »
« Voici Habelia, une créature étrange… »
« … recouverte de tubercules. »
« En fait d’élégance, la palme va à Leanchoilia, aujourd’hui disparu. »
« Ici encore, nous retrouvons ces grands appendices, comme Whittington les appelle, avec leurs prolongements en forme de fouet. »
« Voici Aysheaia… »
« … qui fait probablement partie des onychophores, un groupe moderne représenté par un genre au nom charmant de Peripatus. Ce groupe méconnu serait un intermédiaire entre les annélides et les arthropodes, peut-être même, l’ancêtre des insectes. Aysheaia pourrait en réalité être apparenté à un des groupes d’arthropodes toujours présents. »
« Voici maintenant une forme découverte par Des Collins qui, selon la tradition paléontologique, lui a d’abord donné un nom de terrain. »
« Il l’a appelé « Santa Claws », puis Sanctacaris, ce qui veut dire à peu près la même chose. Est-il vraiment différent de ceux que je viens de vous montrer? »
« Auriez-vous pensé qu’une telle créature aurait survécu? Que c’était un organisme supérieur qui aller durer? Pourtant, tout porte à croire que Sanctacarisest vraiment un chélicérate.
Comme il a six paires d’appendices au bon endroit sur la tête, cet animal pourrait au moins être apparenté à une des lignées encore existantes. Mais l’auriez-vous su? Qui l’aurait su? »
« Voici Opabinia, qui, à mon avis, représente l’une des étapes décisives de l’histoire de la connaissance humaine. »
« Walcott, qui le considérait comme un arthropode, une sorte de crevette, l’a classé automatiquement, comme à son habitude, dans les groupes d’organismes modernes. C’est la première créatureréinterprétée par Whittington qui permet de sortir du cadre conceptuel préétabli et d’apercevoir un monde nouveau. »
« Whittington pensait à un arthropode quand il entrepris ses travaux sur Opabiniaau début des années 1970. À la différence de Walcott, il s’est rendu compte que ces créatures présentaient un certain caractère tridimensionnel, qu’elles n’étaient pas simplement des impressions laissées sur la roche… »
« … et qu’il pourrait trouver des structures sous-jacentes par dissection. Il s’est dit qu’il pouvait résoudre l’énigme, qu’il allait disséquer le corps et trouver les appendices en dessous, et ainsi démontrer qu’il s’agissait d’un arthropode. Mais il n’a rien trouvé: il n’y a pas d’appendices. »
« Sa reconstitution d’Opabiniaa révélé que ce n’était pas un arthropode, mais une créature bizarre ayant sa propre anatomie. La monographie sur Opabiniapubliée en 1975 représente selon moi une percée dans la réinterprétation des schistes de Burgess. »
« Voici le dessin de Marianne représentant Opabinia, cette créature bizarre qui possède cinq yeux – comptez-les –, une trompe frontale qui ressemble à un tuyau d’aspirateur et qui se termine par un appareil de collecte de nourriture, une partie arrière ressemblant à un soufflet, puis une queue. Je ne sais pas ce que c’est, mais c’est étrange. »
« Voici Nectocaris, une créature singulière qui a l’apparence d’un chordé vue de derrière et qui possède une nageoire caudale… »
« … mais qui ressemble davantage à un octopode à l’avant. Qui sait? »
« Dinomischusest un organisme tout aussi bizarre, en forme de tige… »
« … qui n’a aucune affinité avec d’autres espèces. »
« Voici maintenant Odontogriphus, c’est-à-dire l’« énigme dentée », nom qui lui convient parfaitement. »
« C’est un animal au corps aplati, gélatineux et annelé dont la bouche est entourée d’une rangée de « dents » et bordée d’une paire de palpes sensoriels. »
« Walcott a décrit trois genres distincts, qu’il a classés, selon son habitude, dans trois groupes classiques.
L’animal qu’il a appelé une méduse et baptisée Peytoia.. »
« Celui qu’il a classé comme concombre de mer, qu’il a appelé Laggania. »
« Et cette créature, dont le corps ressemble à celui d’un arthropode, qui avait déjà été décrite et baptisée Anomalocaris, c’est à dire « étrange crevette ». Je crois que vous avez deviné: »
« ces trois créatures n’en forment qu’une, l’une des plus bizarres de la faune étrange de Burgess.
C’est aussi le plus gros organisme du Cambrien. Certains spécimens font presque un mètre de long.
La soi-disant méduse est en fait sa bouche. Contrairement aux mâchoires d’un vertébré, la bouche d’Anomalocaris est circulaire et agit comme un casse-noix.
Ce qu’on appelait Anomalocarisest en fait une paire d’appendices préhenseurs, tandis que le supposé concombre de mer constitue le corps de l’animal. »