Home > Science > L’origine des animaux et l’explosion cambrienne > Énigmatiques édiacariens
L’Édiacarien (il y a 635 à 542 millions d’années) marque un tournant décisif dans l’histoire de la vie, car c’est à cette époque que sont apparus les premiers grands organismes pluricellulaires complexes à corps mou. Dans ce groupe figurent les éponges et les cnidaires, ainsi qu’une série de groupes problématiques, représentés par des macrofossiles ou des microfossiles. Certains de ces fossiles ont traditionnellement été considérés comme les précurseurs des animaux cambriens (et modernes), d’autres comme faisant partie d’un règne totalement éteint.
Les affinités exactes de ces organismes donnent toujours matière à débat, mais beaucoup de chercheurs conviennent qu’ils présentent une grande variété de morphologies, ce qui donne à penser qu’ils appartiennent à différents groupes situés à la base de l’arbre de la vie animale.
Les plus emblématiques des ces fossiles énigmatiques appartiennent à un groupe du nom de « rangéomorphes » que l’on trouve dans des roches datant de l’Édiacarien supérieur (il y a 575 à 542 millions d’années). Il s’agit d’organismes en forme de plume ou de fronde, présentant un modèle de croissance itératif (fractal) qui évoque les contours de certaines frondes de fougères modernes. Les rangéomorphes n’ont toutefois aucun lien de parenté avec les végétaux, puisqu’ils vivaient au fond de la mer, à des profondeurs inaccessibles à la lumière, ce qui excluait toute possibilité de photosynthèse. Les rangéomorphes semblent n’être dotés ni de bouche, ni de tube digestif, ni même d’autres organes internes complexes caractéristiques de la plupart des animaux. Leur affinité reste incertaine. D’après certains chercheurs, les rangéomorphes pourraient représenter un degré d’organisation apparu avant les éponges, ce qui en ferait des métazoaires très primitifs.
Les rangéomorphes reposaient à plat sur le fond marin ou dans sa boue, pouvaient s’y ancrer au moyen d’un disque. Leur mode de nutrition reste un mystère. On les tenait jusqu’il y a peu pour des animaux filtreurs, se nourrissant de minuscules particules en suspension portées par les courants marins. Des études récentes donnent toutefois à penser que leur corps absorbait directement des nutriments dissous dans l’eau (processus appelé osmotrophie).
Certains édiacariens atteignaient plus d’un mètre de long, mais la plupart mesuraient moins de 10 cm. On a trouvé des fossiles de ces mystérieux organismes, dans un état de conservation exceptionnel, en plus de 40 endroits du monde, ce qui semble indiquer qu’ils constituaient les formes de vie dominantes de l’époque, parmi les organismes de grande taille (c’est-à-dire visibles à l’œil nu). Le biote de la pointe Mistaken, dans le sud-est de Terre-Neuve, au Canada, représente non seulement la plus ancienne communauté d’édiacariens connue (datant d’il y a 575 millions d’années), mais aussi l’une des mieux conservées. Il est dominé par les rangéomorphes, préservés sous de minces couches de cendres volcaniques.
D’autres gisements fossilifères de l’Édiacarien contiennent des organismes qui pourraient avoir développé des stratégies d’alimentation plus complexes. Ainsi, on peut supposer, d’après les ichnofossiles, que Kimberella (édiacarien trouvé en Australie et en Russie) pouvait se déplacer et brouter sur le fond marin. Il s’agit sans doute de l’animal bilatérien fossile le plus probant trouvé dans des roches édiacariennes et il pourrait représenter une branche ancienne éteinte – un groupe souche (voir aussi groupe couronne) – de l’arbre évolutif qui comprend les mollusques actuels (escargots, palourdes, calmars et leurs parents).
RÉSUMÉ : En 1990, le célèbre paléontologue Stephen Jay Gould est venu parler des fossiles des schistes de Burgess au Musée Royal de l’Ontario. Si de nombreuses interprétations qu’il donnait alors ont été remises en question, sa conférence résumait bien l’idée qu’on se faisait à l’époque de ces fossiles. (6:32) (6:20)
Voici Marrella. Je dirais que le classement des arthropodes est basé principalement sur le nombre de segments et les motifs des différentes parties du corps.
« Nous avons donc Marrella, un arthropode qui n’entre dans aucun groupe. Il possède deux paires d’épines. Il n’est apparenté à aucune lignée. »
« Whittington était perplexe lorsqu’il a publié son premier article sur Marrella, en 1971, mais il a persévéré. Il s’est ensuite intéressé à Yohoia, »
« une créature semblable à une crevette et décrite comme telle par Walcott. Après une étude minutieuse, Whittington a constaté que Yohoia n’appartenait à aucun groupe moderne. À première vue, il ressemble à une crevette, mais il suffit de compter les segments pour savoir qu’il ne s’agit pas du plan d’organisation d’un crustacé. »
« Par exemple, la tête possède une paire d’appendices unique en son genre chez les arthropodes. Faute de mieux, Whittington finira par les appeler les « grands appendices ». »
« Voici Odaraia, une créature qui nage sur le dos et dont la nageoire caudale ressemble plus à celle d’une baleine que d’un arthropode. Lui aussi est unique en son genre. »
« Il ressemble vaguement à un crustacé nageur, mais s’en distingue nettement par les segments et les motifs de la queue. »
« Ici, nous avons Sidneyiaque Walcott a décrit comme un chélicérate, c’est à dire un membre du groupe des limules, celui des araignées et des scorpions. La ressemblance est superficielle. »
« Chez les chélicérates, la tête porte six paires d’appendices, mais il n’y en a qu’une chez Sidneyia, ces antennes. Bref, Sidneyia est unique en son genre. »
« Voici Habelia, une créature étrange… »
« … recouverte de tubercules. »
« En fait d’élégance, la palme va à Leanchoilia, aujourd’hui disparu. »
« Ici encore, nous retrouvons ces grands appendices, comme Whittington les appelle, avec leurs prolongements en forme de fouet. »
« Voici Aysheaia… »
« … qui fait probablement partie des onychophores, un groupe moderne représenté par un genre au nom charmant de Peripatus. Ce groupe méconnu serait un intermédiaire entre les annélides et les arthropodes, peut-être même, l’ancêtre des insectes. Aysheaia pourrait en réalité être apparenté à un des groupes d’arthropodes toujours présents. »
« Voici maintenant une forme découverte par Des Collins qui, selon la tradition paléontologique, lui a d’abord donné un nom de terrain. »
« Il l’a appelé « Santa Claws », puis Sanctacaris, ce qui veut dire à peu près la même chose. Est-il vraiment différent de ceux que je viens de vous montrer? »
« Auriez-vous pensé qu’une telle créature aurait survécu? Que c’était un organisme supérieur qui aller durer? Pourtant, tout porte à croire que Sanctacarisest vraiment un chélicérate.
Comme il a six paires d’appendices au bon endroit sur la tête, cet animal pourrait au moins être apparenté à une des lignées encore existantes. Mais l’auriez-vous su? Qui l’aurait su? »
« Voici Opabinia, qui, à mon avis, représente l’une des étapes décisives de l’histoire de la connaissance humaine. »
« Walcott, qui le considérait comme un arthropode, une sorte de crevette, l’a classé automatiquement, comme à son habitude, dans les groupes d’organismes modernes. C’est la première créatureréinterprétée par Whittington qui permet de sortir du cadre conceptuel préétabli et d’apercevoir un monde nouveau. »
« Whittington pensait à un arthropode quand il entrepris ses travaux sur Opabiniaau début des années 1970. À la différence de Walcott, il s’est rendu compte que ces créatures présentaient un certain caractère tridimensionnel, qu’elles n’étaient pas simplement des impressions laissées sur la roche… »
« … et qu’il pourrait trouver des structures sous-jacentes par dissection. Il s’est dit qu’il pouvait résoudre l’énigme, qu’il allait disséquer le corps et trouver les appendices en dessous, et ainsi démontrer qu’il s’agissait d’un arthropode. Mais il n’a rien trouvé: il n’y a pas d’appendices. »
« Sa reconstitution d’Opabiniaa révélé que ce n’était pas un arthropode, mais une créature bizarre ayant sa propre anatomie. La monographie sur Opabiniapubliée en 1975 représente selon moi une percée dans la réinterprétation des schistes de Burgess. »
« Voici le dessin de Marianne représentant Opabinia, cette créature bizarre qui possède cinq yeux – comptez-les –, une trompe frontale qui ressemble à un tuyau d’aspirateur et qui se termine par un appareil de collecte de nourriture, une partie arrière ressemblant à un soufflet, puis une queue. Je ne sais pas ce que c’est, mais c’est étrange. »
« Voici Nectocaris, une créature singulière qui a l’apparence d’un chordé vue de derrière et qui possède une nageoire caudale… »
« … mais qui ressemble davantage à un octopode à l’avant. Qui sait? »
« Dinomischusest un organisme tout aussi bizarre, en forme de tige… »
« … qui n’a aucune affinité avec d’autres espèces. »
« Voici maintenant Odontogriphus, c’est-à-dire l’« énigme dentée », nom qui lui convient parfaitement. »
« C’est un animal au corps aplati, gélatineux et annelé dont la bouche est entourée d’une rangée de « dents » et bordée d’une paire de palpes sensoriels. »
« Walcott a décrit trois genres distincts, qu’il a classés, selon son habitude, dans trois groupes classiques.
L’animal qu’il a appelé une méduse et baptisée Peytoia.. »
« Celui qu’il a classé comme concombre de mer, qu’il a appelé Laggania. »
« Et cette créature, dont le corps ressemble à celui d’un arthropode, qui avait déjà été décrite et baptisée Anomalocaris, c’est à dire « étrange crevette ». Je crois que vous avez deviné: »
« ces trois créatures n’en forment qu’une, l’une des plus bizarres de la faune étrange de Burgess.
C’est aussi le plus gros organisme du Cambrien. Certains spécimens font presque un mètre de long.
La soi-disant méduse est en fait sa bouche. Contrairement aux mâchoires d’un vertébré, la bouche d’Anomalocaris est circulaire et agit comme un casse-noix.
Ce qu’on appelait Anomalocarisest en fait une paire d’appendices préhenseurs, tandis que le supposé concombre de mer constitue le corps de l’animal. »