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L’expression « schistes de Burgess » désigne un site riche en fossiles, situé sur la crête aux fossiles, entre le mont Wapta et le mont Field, à quelques kilomètres au nord du village de Field, en Colombie-Britannique. C’est Charles Walcott qui l’a employée le premier, pour décrire les diverses couches de roches fossilifères renfermant les restes d’animaux à corps mou qu’il avait découvertes en 1909 et 1910 et fouillées pendant plusieurs années par la suite. Les excavations les plus importantes ont été pratiquées dans une section de deux mètres d’épaisseur, constituée d’une série de couches renfermant des fossiles d’animaux à corps mou remarquablement bien conservés. Walcott l’a appelée la « couche à phyllopodes », par allusion à la structure en forme de feuilles des appendices de certains arthropodes particulièrement abondants, notamment Waptia.
Walcott a fouillé la couche à phyllopodes pendant plusieurs années, laissant derrière lui ce qu’on appelle aujourd’hui la carrière Walcott. Elle s’est agrandie sous l’effet d’excavations ultérieures, effectuées principalement par la Commission géologique du Canada et par le Musée royal de l’Ontario.
Si la carrière Walcott reste le site le plus connu des schistes de Burgess, elle est loin d’en être le seul. Parmi les 65 000 spécimens récoltés par Walcott (principalement dans la couche à phyllopodes), quelques-uns provenaient de roches situées environ 22 mètres plus haut sur la pente. Ces couches, fouillées ultérieurement par Percy Raymond, en 1930, constituent maintenant la « carrière Raymond ».
De nouvelles couches ont également été fouillées en contrebas de la carrière Walcott et à l’amont de la carrière Raymond, par le Musée royal de l’Ontario, dans les années 1980. Le nouvel horizon le plus important – environ 40 mètres au-dessus de la carrière Raymond – est maintenant dénommé « carrière Collins ». On rencontre également des fossiles d’organismes à corps mou dans diverses couches situées entre ces carrières qui n’ont pas encore fait l’objet d’une collecte systématique.
En résumé, les différentes carrières des schistes de Burgess, sur la crête aux fossiles, représentent des assemblages de fossiles variés, à l’intérieur d’une masse de schiste d’une centaine de mètres d’épaisseur, correspondant à environ 200 000 ans de gisements fossilifères de la période cambrienne.
La crête aux fossiles sur laquelle s’étagent les diverses carrières des schistes de Burgess, à proximité de l’escarpement Cathedral.
© PARKS CANADA. PHOTO: JOHN NIDDRIE.
Les couches à trilobites du mont Stephen, tout proche, contiennent également des fossiles d’animaux à corps mou (par exemple, Anomalocaris, Wiwaxia) découverts en 1886, bien avant que Walcott ne découvre le site d’origine des schistes de Burgess, sur la crête aux fossiles. De nos jours, les spécialistes classent ces couches à trilobites parmi les gisements de type Burgess. Ce site est d’un âge similaire à celui des carrières des schistes de Burgess de la crête aux fossiles et relève de la même formation géologique. Et, surtout, bien qu’il n’en fasse pas partie à proprement parler, il s’y apparente aussi par le mode de conservation de ses fossiles.
Principaux gisements fossilifères de type Burgess dans les Rocheuses canadiennes.
On a également découvert des gisements fossilifères de type Burgess en d’autres endroits des Rocheuses canadiennes, la plupart situés dans des parcs nationaux, à proximité d’une formation géologique baptisée escarpement Cathedral. On recense plusieurs sites dans le parc national Yoho, notamment ceux des monts Field, Stephen (couches d’animaux en forme de tulipe – S7, carrière Collins sur le mont Stephen), le mont Odaray et Park. Le parc national Kootenay contient, lui aussi, des gisements de type Burgess autour du glacier Stanley et du mont Robson, et on a également trouvé des fossiles de ce type dans le parc national Jasper et en dehors des parcs, non loin de Cranbrook, en Colombie-Britannique.
Ces divers assemblages de fossiles diffèrent par les espèces qui les composent et par l’abondance des spécimens, mais représentent des éléments d’un biote analogue.
RÉSUMÉ : En 1990, le célèbre paléontologue Stephen Jay Gould est venu parler des fossiles des schistes de Burgess au Musée Royal de l’Ontario. Si de nombreuses interprétations qu’il donnait alors ont été remises en question, sa conférence résumait bien l’idée qu’on se faisait à l’époque de ces fossiles. (6:32) (6:20)
Voici Marrella. Je dirais que le classement des arthropodes est basé principalement sur le nombre de segments et les motifs des différentes parties du corps.
« Nous avons donc Marrella, un arthropode qui n’entre dans aucun groupe. Il possède deux paires d’épines. Il n’est apparenté à aucune lignée. »
« Whittington était perplexe lorsqu’il a publié son premier article sur Marrella, en 1971, mais il a persévéré. Il s’est ensuite intéressé à Yohoia, »
« une créature semblable à une crevette et décrite comme telle par Walcott. Après une étude minutieuse, Whittington a constaté que Yohoia n’appartenait à aucun groupe moderne. À première vue, il ressemble à une crevette, mais il suffit de compter les segments pour savoir qu’il ne s’agit pas du plan d’organisation d’un crustacé. »
« Par exemple, la tête possède une paire d’appendices unique en son genre chez les arthropodes. Faute de mieux, Whittington finira par les appeler les « grands appendices ». »
« Voici Odaraia, une créature qui nage sur le dos et dont la nageoire caudale ressemble plus à celle d’une baleine que d’un arthropode. Lui aussi est unique en son genre. »
« Il ressemble vaguement à un crustacé nageur, mais s’en distingue nettement par les segments et les motifs de la queue. »
« Ici, nous avons Sidneyiaque Walcott a décrit comme un chélicérate, c’est à dire un membre du groupe des limules, celui des araignées et des scorpions. La ressemblance est superficielle. »
« Chez les chélicérates, la tête porte six paires d’appendices, mais il n’y en a qu’une chez Sidneyia, ces antennes. Bref, Sidneyia est unique en son genre. »
« Voici Habelia, une créature étrange… »
« … recouverte de tubercules. »
« En fait d’élégance, la palme va à Leanchoilia, aujourd’hui disparu. »
« Ici encore, nous retrouvons ces grands appendices, comme Whittington les appelle, avec leurs prolongements en forme de fouet. »
« Voici Aysheaia… »
« … qui fait probablement partie des onychophores, un groupe moderne représenté par un genre au nom charmant de Peripatus. Ce groupe méconnu serait un intermédiaire entre les annélides et les arthropodes, peut-être même, l’ancêtre des insectes. Aysheaia pourrait en réalité être apparenté à un des groupes d’arthropodes toujours présents. »
« Voici maintenant une forme découverte par Des Collins qui, selon la tradition paléontologique, lui a d’abord donné un nom de terrain. »
« Il l’a appelé « Santa Claws », puis Sanctacaris, ce qui veut dire à peu près la même chose. Est-il vraiment différent de ceux que je viens de vous montrer? »
« Auriez-vous pensé qu’une telle créature aurait survécu? Que c’était un organisme supérieur qui aller durer? Pourtant, tout porte à croire que Sanctacarisest vraiment un chélicérate.
Comme il a six paires d’appendices au bon endroit sur la tête, cet animal pourrait au moins être apparenté à une des lignées encore existantes. Mais l’auriez-vous su? Qui l’aurait su? »
« Voici Opabinia, qui, à mon avis, représente l’une des étapes décisives de l’histoire de la connaissance humaine. »
« Walcott, qui le considérait comme un arthropode, une sorte de crevette, l’a classé automatiquement, comme à son habitude, dans les groupes d’organismes modernes. C’est la première créatureréinterprétée par Whittington qui permet de sortir du cadre conceptuel préétabli et d’apercevoir un monde nouveau. »
« Whittington pensait à un arthropode quand il entrepris ses travaux sur Opabiniaau début des années 1970. À la différence de Walcott, il s’est rendu compte que ces créatures présentaient un certain caractère tridimensionnel, qu’elles n’étaient pas simplement des impressions laissées sur la roche… »
« … et qu’il pourrait trouver des structures sous-jacentes par dissection. Il s’est dit qu’il pouvait résoudre l’énigme, qu’il allait disséquer le corps et trouver les appendices en dessous, et ainsi démontrer qu’il s’agissait d’un arthropode. Mais il n’a rien trouvé: il n’y a pas d’appendices. »
« Sa reconstitution d’Opabiniaa révélé que ce n’était pas un arthropode, mais une créature bizarre ayant sa propre anatomie. La monographie sur Opabiniapubliée en 1975 représente selon moi une percée dans la réinterprétation des schistes de Burgess. »
« Voici le dessin de Marianne représentant Opabinia, cette créature bizarre qui possède cinq yeux – comptez-les –, une trompe frontale qui ressemble à un tuyau d’aspirateur et qui se termine par un appareil de collecte de nourriture, une partie arrière ressemblant à un soufflet, puis une queue. Je ne sais pas ce que c’est, mais c’est étrange. »
« Voici Nectocaris, une créature singulière qui a l’apparence d’un chordé vue de derrière et qui possède une nageoire caudale… »
« … mais qui ressemble davantage à un octopode à l’avant. Qui sait? »
« Dinomischusest un organisme tout aussi bizarre, en forme de tige… »
« … qui n’a aucune affinité avec d’autres espèces. »
« Voici maintenant Odontogriphus, c’est-à-dire l’« énigme dentée », nom qui lui convient parfaitement. »
« C’est un animal au corps aplati, gélatineux et annelé dont la bouche est entourée d’une rangée de « dents » et bordée d’une paire de palpes sensoriels. »
« Walcott a décrit trois genres distincts, qu’il a classés, selon son habitude, dans trois groupes classiques.
L’animal qu’il a appelé une méduse et baptisée Peytoia.. »
« Celui qu’il a classé comme concombre de mer, qu’il a appelé Laggania. »
« Et cette créature, dont le corps ressemble à celui d’un arthropode, qui avait déjà été décrite et baptisée Anomalocaris, c’est à dire « étrange crevette ». Je crois que vous avez deviné: »
« ces trois créatures n’en forment qu’une, l’une des plus bizarres de la faune étrange de Burgess.
C’est aussi le plus gros organisme du Cambrien. Certains spécimens font presque un mètre de long.
La soi-disant méduse est en fait sa bouche. Contrairement aux mâchoires d’un vertébré, la bouche d’Anomalocaris est circulaire et agit comme un casse-noix.
Ce qu’on appelait Anomalocarisest en fait une paire d’appendices préhenseurs, tandis que le supposé concombre de mer constitue le corps de l’animal. »