Home > Science > Les schistes de Burgess > Le contexte géologique > Transformation des organismes morts en fossiles
La taphonomie est l’étude de la transformation en fossiles des organismes ou de certains de leurs éléments. Elle examine les circonstances de leur mort, de leur décomposition et de leur enfouissement et les conséquences que ces différents facteurs peuvent avoir sur leur conservation dans la roche.
Les chercheurs qui s’efforcent de reconstituer l’écosystème des schistes de Burgess doivent tenir compte des possibilités de fossilisation des différents types d’organismes. À cet effet, il faut qu’ils comprennent les processus taphonomiques entrés en jeu dans la formation des fossiles de type Burgess. Ceci revêt une importance particulière dans le contexte de l’étude de l’évolution, car les hypothèses taphonomiques sont souvent nécessaires à la reconstitution de l’anatomie d’origine des organismes fossilisés; la méconnaissance de la taphonomie peut déboucher sur des interprétations erronées de certains caractères anatomiques ou sur une mauvaise classification des fossiles.
Dans le milieu des schistes de Burgess, les processus de conservation ont débuté par des coulées occasionnelles de sédiments à granulométrie fine, enfouissant rapidement les animaux vivants et morts sur leur passage.
Ce qui s’est exactement produit ensuite reste incertain. Les sédiments dans lesquels les animaux étaient enfouis étaient apparemment pauvres en oxygène, ce qui a dû empêcher les animaux charognards et les bactéries de dévorer complètement leurs restes. Bien que ce facteur ne suffise pas, à lui seul, à créer des gisements fossilifères de type Burgess, la plupart des spécialistes s’accordent à reconnaître là une condition nécessaire à cette fossilisation extraordinaire.
Selon une autre théorie, les minéraux argileux des sédiments auraient inhibé l’activité bactérienne et la décomposition. Quelle que soit l’explication de ce phénomène, les organismes sont restés relativement intacts, après leur mort et leur enfouissement, et ne se sont pas entièrement décomposés. Dans bien des cas, seuls les tissus les plus fragiles (comme les muscles) se sont décomposés, ce qui a entraîné l’affaissement des parties organiques plus dures et un aplatissement qui a donné des fossiles comprimés. Au fil du temps, les minéraux argileux ont été compactés et alignés autour des fossiles, puis transformés en nouveaux minéraux par un métamorphisme léger.
La plupart des fossiles des schistes de Burgess sont constitués de fines pellicules de carbone, partiellement remplacées par de l’argile ou des minéraux ferrifères (comme le mica), qui préservent les contours d’origine de l’animal. Ils se présentent sous la forme de pellicules foncées, qui, inclinées, réfléchissent souvent la lumière.
Ce processus de base semble constituer le principal moyen de conservation de la quasi-totalité des fossiles de type Burgess du monde entier. On observe des différences régionales : ainsi, certaines parties des fossiles de Chengjiang (comme des membres et des antennes) ont été remplacées par de la pyrite, en plus des pellicules de carbone qui délimitent les corps des animaux.
En outre, il y a des fossiles dont certains organes ont été préservés par le biais d’un processus différent, appelé « phosphatisation ». Les structures ayant une teneur naturelle élevée en phosphate (comme certains éléments du système digestif) se sont minéralisées rapidement, ce qui leur a permis de garder une forme tridimensionnelle, même si les empreintes carbonées ont été complètement aplaties.
RÉSUMÉ : En 1990, le célèbre paléontologue Stephen Jay Gould est venu parler des fossiles des schistes de Burgess au Musée Royal de l’Ontario. Si de nombreuses interprétations qu’il donnait alors ont été remises en question, sa conférence résumait bien l’idée qu’on se faisait à l’époque de ces fossiles. (6:32) (6:20)
Voici Marrella. Je dirais que le classement des arthropodes est basé principalement sur le nombre de segments et les motifs des différentes parties du corps.
« Nous avons donc Marrella, un arthropode qui n’entre dans aucun groupe. Il possède deux paires d’épines. Il n’est apparenté à aucune lignée. »
« Whittington était perplexe lorsqu’il a publié son premier article sur Marrella, en 1971, mais il a persévéré. Il s’est ensuite intéressé à Yohoia, »
« une créature semblable à une crevette et décrite comme telle par Walcott. Après une étude minutieuse, Whittington a constaté que Yohoia n’appartenait à aucun groupe moderne. À première vue, il ressemble à une crevette, mais il suffit de compter les segments pour savoir qu’il ne s’agit pas du plan d’organisation d’un crustacé. »
« Par exemple, la tête possède une paire d’appendices unique en son genre chez les arthropodes. Faute de mieux, Whittington finira par les appeler les « grands appendices ». »
« Voici Odaraia, une créature qui nage sur le dos et dont la nageoire caudale ressemble plus à celle d’une baleine que d’un arthropode. Lui aussi est unique en son genre. »
« Il ressemble vaguement à un crustacé nageur, mais s’en distingue nettement par les segments et les motifs de la queue. »
« Ici, nous avons Sidneyiaque Walcott a décrit comme un chélicérate, c’est à dire un membre du groupe des limules, celui des araignées et des scorpions. La ressemblance est superficielle. »
« Chez les chélicérates, la tête porte six paires d’appendices, mais il n’y en a qu’une chez Sidneyia, ces antennes. Bref, Sidneyia est unique en son genre. »
« Voici Habelia, une créature étrange… »
« … recouverte de tubercules. »
« En fait d’élégance, la palme va à Leanchoilia, aujourd’hui disparu. »
« Ici encore, nous retrouvons ces grands appendices, comme Whittington les appelle, avec leurs prolongements en forme de fouet. »
« Voici Aysheaia… »
« … qui fait probablement partie des onychophores, un groupe moderne représenté par un genre au nom charmant de Peripatus. Ce groupe méconnu serait un intermédiaire entre les annélides et les arthropodes, peut-être même, l’ancêtre des insectes. Aysheaia pourrait en réalité être apparenté à un des groupes d’arthropodes toujours présents. »
« Voici maintenant une forme découverte par Des Collins qui, selon la tradition paléontologique, lui a d’abord donné un nom de terrain. »
« Il l’a appelé « Santa Claws », puis Sanctacaris, ce qui veut dire à peu près la même chose. Est-il vraiment différent de ceux que je viens de vous montrer? »
« Auriez-vous pensé qu’une telle créature aurait survécu? Que c’était un organisme supérieur qui aller durer? Pourtant, tout porte à croire que Sanctacarisest vraiment un chélicérate.
Comme il a six paires d’appendices au bon endroit sur la tête, cet animal pourrait au moins être apparenté à une des lignées encore existantes. Mais l’auriez-vous su? Qui l’aurait su? »
« Voici Opabinia, qui, à mon avis, représente l’une des étapes décisives de l’histoire de la connaissance humaine. »
« Walcott, qui le considérait comme un arthropode, une sorte de crevette, l’a classé automatiquement, comme à son habitude, dans les groupes d’organismes modernes. C’est la première créatureréinterprétée par Whittington qui permet de sortir du cadre conceptuel préétabli et d’apercevoir un monde nouveau. »
« Whittington pensait à un arthropode quand il entrepris ses travaux sur Opabiniaau début des années 1970. À la différence de Walcott, il s’est rendu compte que ces créatures présentaient un certain caractère tridimensionnel, qu’elles n’étaient pas simplement des impressions laissées sur la roche… »
« … et qu’il pourrait trouver des structures sous-jacentes par dissection. Il s’est dit qu’il pouvait résoudre l’énigme, qu’il allait disséquer le corps et trouver les appendices en dessous, et ainsi démontrer qu’il s’agissait d’un arthropode. Mais il n’a rien trouvé: il n’y a pas d’appendices. »
« Sa reconstitution d’Opabiniaa révélé que ce n’était pas un arthropode, mais une créature bizarre ayant sa propre anatomie. La monographie sur Opabiniapubliée en 1975 représente selon moi une percée dans la réinterprétation des schistes de Burgess. »
« Voici le dessin de Marianne représentant Opabinia, cette créature bizarre qui possède cinq yeux – comptez-les –, une trompe frontale qui ressemble à un tuyau d’aspirateur et qui se termine par un appareil de collecte de nourriture, une partie arrière ressemblant à un soufflet, puis une queue. Je ne sais pas ce que c’est, mais c’est étrange. »
« Voici Nectocaris, une créature singulière qui a l’apparence d’un chordé vue de derrière et qui possède une nageoire caudale… »
« … mais qui ressemble davantage à un octopode à l’avant. Qui sait? »
« Dinomischusest un organisme tout aussi bizarre, en forme de tige… »
« … qui n’a aucune affinité avec d’autres espèces. »
« Voici maintenant Odontogriphus, c’est-à-dire l’« énigme dentée », nom qui lui convient parfaitement. »
« C’est un animal au corps aplati, gélatineux et annelé dont la bouche est entourée d’une rangée de « dents » et bordée d’une paire de palpes sensoriels. »
« Walcott a décrit trois genres distincts, qu’il a classés, selon son habitude, dans trois groupes classiques.
L’animal qu’il a appelé une méduse et baptisée Peytoia.. »
« Celui qu’il a classé comme concombre de mer, qu’il a appelé Laggania. »
« Et cette créature, dont le corps ressemble à celui d’un arthropode, qui avait déjà été décrite et baptisée Anomalocaris, c’est à dire « étrange crevette ». Je crois que vous avez deviné: »
« ces trois créatures n’en forment qu’une, l’une des plus bizarres de la faune étrange de Burgess.
C’est aussi le plus gros organisme du Cambrien. Certains spécimens font presque un mètre de long.
La soi-disant méduse est en fait sa bouche. Contrairement aux mâchoires d’un vertébré, la bouche d’Anomalocaris est circulaire et agit comme un casse-noix.
Ce qu’on appelait Anomalocarisest en fait une paire d’appendices préhenseurs, tandis que le supposé concombre de mer constitue le corps de l’animal. »