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La plupart des créatures dont les schistes de Burgess contiennent les restes vivaient en eaux plus profondes (bassin), évoluant sur le fond marin ou dans les sédiments qui le tapissent ou nageant dans la colonne d’eau. Il s’agissait d’un milieu calme et peu dangereux, loin de la surface agitée par les tempêtes et les ouragans. Il était sans doute parcouru de faibles courants, assurant une nourriture abondante aux nombreux organismes suspensivores de cette communauté.
La plupart des animaux vivaient au pied d’une grande falaise sous-marine appelée l’escarpement Cathedral. Cet escarpement s’était formé à la marge extérieure d’une vaste plateforme tropicale de roche carbonatée, qui s’étendait peut-être jusqu’à 400 kilomètres (320 milles) de la côte.
On a découvert au moins douze sites fossilifères au pied de l’escarpement, le long d’une ceinture de 60 kilomètres courant dans la direction générale nord-sud, ce qui semble indiquer que l’escarpement a contribué à créer des conditions optimales à l’existence d’une riche communauté animale, d’abord, et à sa conservation sous forme de fossiles, par la suite.
L’escarpement faisait environ 200 mètres (650 pieds) de haut, avant que de la boue et d’autres sédiments ne commencent à combler le bassin. De par sa forme, il devait canaliser vers sa base des coulées de boue, qui ensevelissaient périodiquement les organismes vivant à cet endroit, assurant ainsi leur conservation. La présence d’algues fossilisées au pied de l’escarpement indique que la lumière du soleil y filtrait. Comme dans les milieux marins actuels, les algues, qui se trouvent à la base de la chaîne alimentaire, assuraient sans doute la subsistance de beaucoup d’autres organismes. De temps à autre, ce milieu paisible était bouleversé par le déversement de torrents de boue, dans lesquels organismes vivants et morts se retrouvaient enfouis en une masse chaotique.
Ce processus a dû se répéter pendant des centaines de milliers d’années, jusqu’à ce que les couches successives de sédiments finissent par combler le bassin.
Découvertes récentes
Un nouveau gisement de type Burgess, correspondant à un type différent de paléomilieu marin, a été découvert en 2008 dans le parc national Kootenay (où se trouve le glacier Stanley). Il n’est pas associé au milieu protégé qui se trouvait au pied de l’escarpement Cathedral et les fossiles qu’il renferme sont moins nombreux (et témoignent d’une diversité moindre) par rapport à ceux des sites proches de la falaise sous-marine. Cela donne à penser que la répartition environnementale des organismes de la faune de type Burgess était bien plus vaste qu’on ne l’avait cru jusque-là.
Il est possible que les conditions à proximité de l’escarpement aient été plus favorables à la vie animale et à la conservation éventuelle des organismes sous forme de fossiles. Plus précisément, la solide roche carbonatée de l’escarpement a pu servir de contrefort et protéger les mudstones et leurs fossiles du plus fort des phénomènes métamorphiques qui allaient suivre. Dans les endroits plus éloignés de l’escarpement, le métamorphisme semble avoir eu des effets plus prononcés et a probablement entraîné la destruction des fossiles qui auraient pu s’y trouver.
Il faudra effectuer davantage de fouilles pour vérifier ces hypothèses et, en particulier, pour évaluer la gamme des conditions environnementales dans lesquelles on peut trouver des fossiles de type Burgess dans les Rocheuses canadiennes.
Il est maintenant clair que, à l’échelle mondiale, la faune de type Burgess a une vaste répartition géographique et n’a pas uniquement vécu dans un milieu circonscrit, proche d’un talus sous-marin. Mais la situation unique des schistes de Burgess explique vraisemblablement la quantité et la qualité exceptionnelles des fossiles qui y ont été trouvés, par comparaison avec la plupart des autres gisements de type Burgess ailleurs dans le monde.
RÉSUMÉ : En 1990, le célèbre paléontologue Stephen Jay Gould est venu parler des fossiles des schistes de Burgess au Musée Royal de l’Ontario. Si de nombreuses interprétations qu’il donnait alors ont été remises en question, sa conférence résumait bien l’idée qu’on se faisait à l’époque de ces fossiles. (6:32) (6:20)
Voici Marrella. Je dirais que le classement des arthropodes est basé principalement sur le nombre de segments et les motifs des différentes parties du corps.
« Nous avons donc Marrella, un arthropode qui n’entre dans aucun groupe. Il possède deux paires d’épines. Il n’est apparenté à aucune lignée. »
« Whittington était perplexe lorsqu’il a publié son premier article sur Marrella, en 1971, mais il a persévéré. Il s’est ensuite intéressé à Yohoia, »
« une créature semblable à une crevette et décrite comme telle par Walcott. Après une étude minutieuse, Whittington a constaté que Yohoia n’appartenait à aucun groupe moderne. À première vue, il ressemble à une crevette, mais il suffit de compter les segments pour savoir qu’il ne s’agit pas du plan d’organisation d’un crustacé. »
« Par exemple, la tête possède une paire d’appendices unique en son genre chez les arthropodes. Faute de mieux, Whittington finira par les appeler les « grands appendices ». »
« Voici Odaraia, une créature qui nage sur le dos et dont la nageoire caudale ressemble plus à celle d’une baleine que d’un arthropode. Lui aussi est unique en son genre. »
« Il ressemble vaguement à un crustacé nageur, mais s’en distingue nettement par les segments et les motifs de la queue. »
« Ici, nous avons Sidneyiaque Walcott a décrit comme un chélicérate, c’est à dire un membre du groupe des limules, celui des araignées et des scorpions. La ressemblance est superficielle. »
« Chez les chélicérates, la tête porte six paires d’appendices, mais il n’y en a qu’une chez Sidneyia, ces antennes. Bref, Sidneyia est unique en son genre. »
« Voici Habelia, une créature étrange… »
« … recouverte de tubercules. »
« En fait d’élégance, la palme va à Leanchoilia, aujourd’hui disparu. »
« Ici encore, nous retrouvons ces grands appendices, comme Whittington les appelle, avec leurs prolongements en forme de fouet. »
« Voici Aysheaia… »
« … qui fait probablement partie des onychophores, un groupe moderne représenté par un genre au nom charmant de Peripatus. Ce groupe méconnu serait un intermédiaire entre les annélides et les arthropodes, peut-être même, l’ancêtre des insectes. Aysheaia pourrait en réalité être apparenté à un des groupes d’arthropodes toujours présents. »
« Voici maintenant une forme découverte par Des Collins qui, selon la tradition paléontologique, lui a d’abord donné un nom de terrain. »
« Il l’a appelé « Santa Claws », puis Sanctacaris, ce qui veut dire à peu près la même chose. Est-il vraiment différent de ceux que je viens de vous montrer? »
« Auriez-vous pensé qu’une telle créature aurait survécu? Que c’était un organisme supérieur qui aller durer? Pourtant, tout porte à croire que Sanctacarisest vraiment un chélicérate.
Comme il a six paires d’appendices au bon endroit sur la tête, cet animal pourrait au moins être apparenté à une des lignées encore existantes. Mais l’auriez-vous su? Qui l’aurait su? »
« Voici Opabinia, qui, à mon avis, représente l’une des étapes décisives de l’histoire de la connaissance humaine. »
« Walcott, qui le considérait comme un arthropode, une sorte de crevette, l’a classé automatiquement, comme à son habitude, dans les groupes d’organismes modernes. C’est la première créatureréinterprétée par Whittington qui permet de sortir du cadre conceptuel préétabli et d’apercevoir un monde nouveau. »
« Whittington pensait à un arthropode quand il entrepris ses travaux sur Opabiniaau début des années 1970. À la différence de Walcott, il s’est rendu compte que ces créatures présentaient un certain caractère tridimensionnel, qu’elles n’étaient pas simplement des impressions laissées sur la roche… »
« … et qu’il pourrait trouver des structures sous-jacentes par dissection. Il s’est dit qu’il pouvait résoudre l’énigme, qu’il allait disséquer le corps et trouver les appendices en dessous, et ainsi démontrer qu’il s’agissait d’un arthropode. Mais il n’a rien trouvé: il n’y a pas d’appendices. »
« Sa reconstitution d’Opabiniaa révélé que ce n’était pas un arthropode, mais une créature bizarre ayant sa propre anatomie. La monographie sur Opabiniapubliée en 1975 représente selon moi une percée dans la réinterprétation des schistes de Burgess. »
« Voici le dessin de Marianne représentant Opabinia, cette créature bizarre qui possède cinq yeux – comptez-les –, une trompe frontale qui ressemble à un tuyau d’aspirateur et qui se termine par un appareil de collecte de nourriture, une partie arrière ressemblant à un soufflet, puis une queue. Je ne sais pas ce que c’est, mais c’est étrange. »
« Voici Nectocaris, une créature singulière qui a l’apparence d’un chordé vue de derrière et qui possède une nageoire caudale… »
« … mais qui ressemble davantage à un octopode à l’avant. Qui sait? »
« Dinomischusest un organisme tout aussi bizarre, en forme de tige… »
« … qui n’a aucune affinité avec d’autres espèces. »
« Voici maintenant Odontogriphus, c’est-à-dire l’« énigme dentée », nom qui lui convient parfaitement. »
« C’est un animal au corps aplati, gélatineux et annelé dont la bouche est entourée d’une rangée de « dents » et bordée d’une paire de palpes sensoriels. »
« Walcott a décrit trois genres distincts, qu’il a classés, selon son habitude, dans trois groupes classiques.
L’animal qu’il a appelé une méduse et baptisée Peytoia.. »
« Celui qu’il a classé comme concombre de mer, qu’il a appelé Laggania. »
« Et cette créature, dont le corps ressemble à celui d’un arthropode, qui avait déjà été décrite et baptisée Anomalocaris, c’est à dire « étrange crevette ». Je crois que vous avez deviné: »
« ces trois créatures n’en forment qu’une, l’une des plus bizarres de la faune étrange de Burgess.
C’est aussi le plus gros organisme du Cambrien. Certains spécimens font presque un mètre de long.
La soi-disant méduse est en fait sa bouche. Contrairement aux mâchoires d’un vertébré, la bouche d’Anomalocaris est circulaire et agit comme un casse-noix.
Ce qu’on appelait Anomalocarisest en fait une paire d’appendices préhenseurs, tandis que le supposé concombre de mer constitue le corps de l’animal. »